Tribune libre de juin 2021 – Didier Zerath

Tribune libre de juin 2021 – Didier Zerath

29 June 2021 0 By dzerath

La crise sanitaire que nous venons de traverser a été, à juste titre, au centre de toutes les préoccupations. Nous y reviendrons en donnant la parole, après l’avoir donné aux organisations qui ont soutenues les acteurs de l’industrie musicale à ceux qui, à l’autre bout de la chaîne, ont, ou auraient, du en bénéficier.

Mais il ne faut pas que la crise du covid soit l’arbre qui cache la forêt. 

D’autres sujets, s’ils ont été relégués au second plan, n’en restent pas moins essentiels. Nous en aborderons deux parmi tant d’autre qui nous semblent emblématiques du devoir de vigilance qui est le nôtre.

La transposition de la directive sur le droit d’auteur en est un premier. 

La France a été à la pointe du combat pour son adoption, adoption dans son interprétation la plus large.

C’est chose faite. Non par voie parlementaire comme prévu à l’origine mais par ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021.

L’ordonnance est prise en application de l’article 34 de la :

Elle transpose des dispositions de la directive européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Cette directive renforce la capacité des titulaires de droits à être rémunérés par les plateformes de partage de contenus en ligne et améliore la protection des droits des auteurs et des artistes-interprètes dans leurs relations avec les exploitants de leurs œuvres.

L’article 17 de la directive met fin à l’incertitude juridique sur la responsabilité des plateformes de partage concernant le droit d’auteur. Sa transposition permet aux créateurs :

  • Soit d’être rémunérés par les plateformes de partage qui diffusent massivement leurs œuvres (l’ensemble des plateformes devront conclure des accords de licence avec les sociétés de perception et de répartition des droits, y compris Youtube mettant ainsi fin à l’exception dont bénéficiait la plateforme sous l’appellation de « Safe Harbour ») 
  • Soit d’obtenir l’application de mesures préventives efficaces garantissant l’indisponibilité des œuvres non autorisées (les plateformes devront déployer ou prouver avoir déployé les meilleurs efforts pour filtrer les contenus).

Les articles 18 à 23 de la directive consacrent par ailleurs le principe d’une rémunération appropriée et proportionnelle et renforcent les obligations de transparence au bénéfice des auteurs et des artistes. Enfin, ils leur ouvrent de nouveaux droits dans la relation avec les exploitants de leurs œuvres, à travers un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue au contrat et une possibilité de résiliation en cas d’absence totale d’exploitation de l’œuvre.

Leur transposition en droit français consolide et complète les principes aujourd’hui applicables dans le code de la propriété intellectuelle (CPI), tout en tenant compte des dispositions sectorielles existantes et en renvoyant, comme le permet la directive, aux négociations professionnelles le soin de préciser les conditions de mise en œuvre.

Mais si cette adoption constitue un grand pas en avant non seulement le devoir de vigilance reste de mise d’une part mais le problème du partage de la valeur n’est toujours pas résolu et de nombreux combats sont encore à mener.

Que ce soit au nom des interprètes mais aussi au nom des auteurs et des compositeurs. 

Une réalité reste une injustice fondamentale : ceux qui créent la valeur ne sont pas ceux qui la capte. Et l’élection Présidentielle qui s’annonce doit nous permettre d’interpeller les candidats.  

Enfin la question de la rémunération proportionnelle, si l’ordonnance a le mérite d’en affirmer voir de confirmer un principe qui figure de longue date dans le CPI, elle reste posée et l’ordonnance donne jusqu’au 12 Mai 2022 aux acteurs de l’industrie musicale pour s’assoir autour de la table et régler le problème de ses exceptions, nous promettant de longues et difficiles négociations.

A peine un an…..le 12 Mai 2022 ? C’est demain….

Transposition de la directive d’une part, copie privée d’autre part.

La copie privée, c’est l’obligation pour les fabricants ou importateurs de supports d’enregistrement de verser une rémunération aux ayants droits dont les œuvres sont copiées.

Copie privée perçue sur les supports d’enregistrement neufs comme support d’enregistrement reconditionnés.

C’est dans le cadre de la proposition de loi visant à « réduire l’empreinte environnementale du numérique en France », que s’est exercé un lobbying, notamment de la part de Backmarket, champion Français de commercialisation de produits reconditionnés, pour obtenir une exonération de la copie privée sur les produits reconditionnés sous différents prétextes, la prise en compte d’une potentielle distorsion de concurrence, une clientèle souvent jugée en situation de précarité sans oublier bien sur l’argument écologique au travers notamment de la lutte contre l’obsolescence programmée….le tout financé par les créateurs et les ayants-droits qui se doivent d’abandonner une source de revenus et de financement de la création.

Ce sont en effet plus de 200 000 artistes et ayants droits et quelques 12 000 projets qui sont soutenus par la copie privée.

C’est grâce à une forte mobilisation du monde de la culture que l’Assemblée Nationale a voté le 10 Juin un texte équilibré qui s’il accorde un abattement sur la taxe en maintien le principe.

Pour en savoir plus : https://www.copieprivee.org

Merci aux artistes, ayants droits et organisations professionnelles pour votre engagement et votre vigilance.

Juin / Juillet – n°2 : Le financement des industries créatives et de la création